dimanche 13 novembre 2016

Voulons-nous un bel aéroport et pas d’eau potable ? (7 novembre deuxième partie)


Préambule : si vous trouvez ce texte long, sachez que ce fut un après-midi très long pour nous aussi.

Aucun signe de pause, alors on continue.

Mme la rapporteur lit cette fois son travail concernant les arrêtés loi sur l’eau. Dans un premier temps, elle explique le déroulement.

 La commission d’enquête loi sur l’eau a donné un avis favorable, mais avec deux réserves : une validation scientifique de la méthode de compensation et la présentation d’un cadre pour la mise en œuvre de ces compensations par les agriculteurs.

Un collège d’experts scientifiques a bien été désigné.

Un accord a bien été signé entre l’Etat, AGO et la Chambre d’Agriculture pour la mise en œuvre des mesures de compensations.

Dans la suite des conclusions de la commission de dialogue, la DGAC a fait un rapport sur la faisabilité et le coût du maintien de Nantes Atlantique.

Le CODERST (Conseil départemental de l’environnement) a donné un avis favorable au dossier eau.

Le tribunal administratif de Nantes, en juillet 2015, a rejeté par 4 jugements les demandes des opposants, mais dans le cinquième a complété le dossier en réduisant à 25 m2 la place de parking.

Elle rappelle qu’il s’agit de traiter un dossier concernant 1255 ha de zone humide en tête de bassin versant et on sait que les têtes de bassin versant jouent un rôle important sur la qualité des milieux aquatiques.

Elle traite ensuite successivement les requêtes.

En termes de documents tout est en ordre.

Les requérants critiquent la fonctionnalité des compensations établies sur une base 2010. En s’appuyant sur le rapport du collège d’experts scientifiques qui a émis de fortes réserves sur l’état des lieux, réserves reprises par le CNPN (Comité National de Protection de la Nature).

En réponse, Mme explique que le collège d’experts souligne des défauts de calendrier, mais reconnait les efforts réalisés et il ne met pas en avant de trous dans ce calendrier. Le SAGE (Schéma d’aménagement et de Gestion de l’Eau) a donné son accord. De plus, la commission d’enquête Loi sur l’eau a jugé satisfaisant l’état initial. Bien qu’il y ait une liste d’agriculteurs engagés à ne pas mettre en œuvre de compensations pour le projet, Il ne faut pas retenir cette requête.

Ne pas retenir non plus, la requête concernant l’insuffisance du suivi, car, s’il y a insuffisance, le protocole garantit que ce sera corrigé.

Les requérants critiquent l’étude d’impact spécifique hydraulique. C’est inopérant.

Les requérants dénoncent l’irrégularité de l’enquête publique loi sur l’eau car les mesures compensatoires y ont été modifiées, entrainant une baisse des surfaces et une baisse de l’enveloppe par rapport à la DUP initiale. Le projet n’a pas été modifié substantiellement, le public a donc été mal informé.

Pour Mme le rapporteur, ce dossier ne demande pas à être soumis à l’autorité environnementale (pour informer le public), il faut donc écarter ce moyen (c’est-à-dire cet argument).

Question suivante : les requérants dénoncent la dégradation de la qualité de l’eau qu’entrainerait le projet alors qu’il y a obligation de maintenir la qualité des masses d’eau.

Mme le rapporteur cite la loi française qui exige une gestion équilibrée et durable de l’eau et précisément de prendre toutes les mesures pour éviter une détérioration de la qualité de l’eau. On ne peut y déroger que si tout a été fait pour éviter cette incidence négative et que si l’ouvrage présente un intérêt majeur pour la santé et la sécurité.

Dans le SDAGE (Schéma départemental d’Aménagement et de Gestion de l’eau) pour les années 2016 à 2021, aucun projet d’intérêt majeur n’a été retenu.

Elle continue. La directive européenne, article 4, dit que les Etats doivent prendre les mesures pour maintenir la qualité de l’eau. On ne peut y déroger que s’il y a un intérêt majeur en jeu et que si les moyens sont mis en œuvre pour restaurer la qualité. Les Etats doivent refuser tout projet particulier qui entraine une dégradation de l’état des masses d’eau de surface. Il y a dégradation dès qu’un élément se dégrade.

Les requérants disent que la température de l’eau va augmenter. L’ONF dit que l’étiage va augmenter, or, il n’y a pas de correctif. Je ne sais pas si j’ai tout compris.

Quel est l’impact du dégivrage ? Des produits de type glycol seraient utilisés. Cela représente 7500 l par an. Il est prévu que 75% soit traité et évacué, mais il en restera 25% dans l’environnement. Cela aura un impact sur le taux d’oxygène de l’eau. Or, ce point n’est pas étudié.

La salinité sera impactée par le déverglaçage. AGO a l’autorisation d’utiliser jusqu’à 1 T de produit par jour alors que l’estimation se situe entre 13.5 et 27 T par jour. Les conséquences n’ont pas été examinées.

La fonctionnalité bio-géo-chimique de l’eau sera dégradée.

Il y aura 530 Ha de zones humides impactées. Il faudrait restaurer à l’équivalent. Une des critiques du collège d’experts est que la destruction est immédiate alors que les compensations se feront beaucoup plus tard.

Elle cite également le SDAGE où il est précisé que les zones humides représentent une grande diversité. Elles ont régressé depuis 50 ans et cette régression se poursuit. Elles ont un rôle de dénitrification. On a besoin d’un maillage de zone humide et le préserver est un enjeu majeur. C’est pourquoi le SDAGE a décidé de supprimer toute subvention au drainage et à l’irrigation.

La plateforme va dégrader la masse d’eau : sa température, le taux d’oxygène et la salinité. Elle va donc dégrader la fonctionnalité bio géo chimique.

Elle cite toujours les éléments du débat. Dans son mémoire en défense, le ministère demande aux opposants de faire la preuve de la dégradation. Eh bien, non ! C’est aux porteurs de projet de montrer qu’il n’y a pas de dégradation !

Nous n’applaudissons pas, mais le cœur y est. Le vent tourne, mes amis, le vent tourne.

Elle poursuit avec le mémoire d’AGO. Celui-ci, argumente que compte tenu de la faible taille de l’aéroport, la masse d’eau impactée sera très faible. Le risque lié aux produits est très faible. Le produit pour le déverglaçage est bio dégradable et sera géré par des filtres à roseaux. L’impact est donc acceptable.

Mme la rapporteur rappelle qu’il faut examiner s’il y a dégradation et pour elle, cette dégradation est certaine.

Les porteurs de projet parlent de dégradation insignifiante. Elle est estimée : seulement 2% de la masse d’eau est concernée pour l’ensemble plateforme et desserte routière. Cela ne convainc pas la rapporteur qui montre que dans les textes de loi, française et européenne, il n’est pas question de seuil à partir duquel la dégradation deviendrait inquiétante

« Je crois que si nous avions un épisode de rage en France et qu’il touche 2% de la population. Personne ne considérerait cela comme insignifiant. » dit-elle pour bien se faire comprendre.

Elle poursuit : le texte de la cour européenne dit qu’il faut prévenir la dégradation, il n’y a pas de marge de manœuvre. Personne, ici, ne conteste la dégradation.

Les requérants citent la règle du SDAGE : éviter, réduire, compenser. Alors existe-t-il une alternative ?

La réponse est oui pour deux raisons : la DGAC a fait l’étude du réaménagement de Nantes Atlantique et déclare que ce n’est pas impossible et d’autre part l’étude du ministère de l’écologie (CGEDD) de mars 2016 dit aussi qu’il est possible de poursuivre l’activité de Nantes Atlantique. L’alternative existe.

Mme la rapporteur reprend longuement les hypothèses et chiffres de la DGAC pour nous faire comprendre que l’actuel aéroport peut poursuivre son activité avec des coûts plus faibles que la construction d’un nouvel aéroport si on compare des horizons de trafic comparables  et qu’il peut assurer 9 millions de passagers. N’avoir qu’une seule piste n’est pas un facteur limitant. Elle cite de nombreux aéroports à une seule piste avec un trafic bien supérieur à celui de Nantes. La présence en périphérie de ville n’est pas une exception nantaise. Sur le bruit, l’ACNUSA (Autorité de Contrôle des nuisances Aéroportuaires) demande une expertise sur le bruit, le PEB de 2004 est à réviser. En fait, il faudrait que la DGAC soit réaliste, mais c’est dit en termes diplomatiques.

Il y a donc bien une alternative avérée et qui répond aux besoins de développement du grand ouest.

Nantes Atlantique présente des inconvénients, mais ce qui est fondamental est de ne pas dégrader la ressource en eau.

Peut-on vivre sans eau ? Non ! Peut-on vivre avec un aéroport qui n’est pas idéal ? Oui !

Il est près de 17h45, Mme la rapporteur arrive à sa conclusion et demande l’annulation des deux arrêtés loi sur l’eau.

L’avocat d’AGO répond que cette présentation ne prend pas en compte la modération des dégradations par les mesures de compensation. On ne peut pas contester s’il y a une DUP. Pensez au bruit pour les Nantais et à leur santé.

A ce stade, on se regarde tous sidérés. Le résultat est magnifique, mais aussi, on est tous épuisés et l’audience n’est pas finie.

Mme la rapporteur a compris la situation et elle aussi, est fatiguée.

En concentrant son argumentaire, elle recommande l’annulation des arrêtés destruction d’espèces protégées pour le même motif : il existe une alternative puisque Nantes Atlantique est suffisant.

L’avocat d’AGO pleure à nouveau : on ne doit plus l’embêter une fois qu’on lui a accordé la DUP.

Et voilà, par cette audience, la vraie question de fond est posée ; réponse lundi prochain.

Merci aux collègues qui ont bien voulu relire.

Par Marcel, paysan à Notre Dame

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