vendredi 11 novembre 2016

Le préfet est-il bicéphale ? (7 novembre première partie)


L’ACIPA nous a réservé une place pour assister à l’audience de l’appel sur le dossier loi sur l’eau en ce lundi 7 novembre. Nous avons su par téléphone, puis lu comme tout le monde que la rapporteur allait demander l’annulation des arrêtés. C’est donc confiant, mais curieux que j’aborde cet après-midi. Nous retrouvons beaucoup de complices à l’entrée du tribunal d’appel et aussi beaucoup de journalistes. Ca filme et ça mitraille et d’un coup ça double en intensité, c’est Yannick Jadot qui vient d’arriver.

A l’entrée : double filtrage : « vous êtes requérant ? Ben ! Je ne sais pas… Je suis inscrit par l’ACIPA ! » Je montre ma carte d’identité périmée et je peux entrer. Ambiance feutrée dans la salle, fort petite comme toujours, avec des sièges qui viennent de chez IKEA, rayon petit prix.

A 14h00 précises, l’audience commence. La rapporteur et les juges entrent. Oups ! Une seule femme et six hommes parmi les juges. Les deux plus jeunes ont au moins cinquante ans et les autres ont largement dépassé l’âge de la retraite. Seront-ils des hommes à oser bloquer une mécanique bien en route ?

Le président nous explique que l’audience se déroule en trois temps : le litige sur la DUP, le recours sur la loi sur l’eau et enfin les espèces protégées.

Mme la rapporteur se présente en disant que ses recommandations sont indépendantes du gouvernement (ça c’est pour François Fillon).

Puis elle lit son rapport. Elle lit bien, ce n’est pas désagréable, mais statique.

Elle décrit le projet d’aéroport, son historique, les différents volets et les étapes juridiques.

Dans la première requête déposée par  les opposants, il est dit que le préfet est juge et partie. En effet, le préfet de Loire atlantique pilote le projet d’aéroport, mais attention, il est surveillé de près par l’autorité environnementale. Or qui représente l’autorité environnementale ? Le préfet de région, c’est-à-dire celui de Loire Atlantique.

L’Union Européenne demande la séparation entre les acteurs et l’administration. L’argument des opposants est solide dit la rapporteur : «  le préfet est-il bicéphale ? ».  Même si les bureaux sont différents, la Dreal est un service de l’Etat et AGO a un contrat avec l’Etat. Elle se réfère à un dossier irlandais ou la situation est comparable à celle de Loire Atlantique  avec des services différents mais liés ; le dossier a été accepté par l’Europe.

De plus, l’autorité environnementale ne se prononce pas sur l’opportunité environnementale, mais sur la qualité du dossier. Enfin, la Dreal a ses moyens propres et a bien fait son travail…

Mme la rapporteur demande donc aux juges d’écarter ce recours comme l’ont fait la cour de Marseille et celle de Versailles sur des cas similaires (décision du …. Recours n° x).

Heureusement, on est assis « Ah cette dame va nous donner raison ! Vraiment, mais quand alors ? »

Requête 2 : les opposants critiquent le découpage du projet. Le programme viaire (routier), de rétablissement de voirie est traité indépendamment du projet, alors que le projet est global (on recalibre des routes à cause du projet). L’ensemble est lié. L’autorité environnementale n’a donc pas pu informer correctement le public au moment de l’enquête publique sur le programme viaire, en particulier les effets globaux cumulés ne sont pas présentés. C’est un des reproches de l’Union européenne : ne pas présenter le projet avec toutes ses incidences.

Pour Mme, l’Union ne s’est pas prononcée sur de tels sujets.

AGO dans ses documents fait le lien entre le programme Viaire et le projet d’aéroport. Mais il y a une DUP différente pour le programme viaire, il est donc différent du projet.

Mme la rapporteur, en synthèse pense que le programme viaire fait partie du projet d’aéroport, mais, par discipline, plus que par conviction, elle demande aux juges de ne pas retenir cette question et suite aux décisions du Conseil d’Etat de considérer qu’il s’agit d’ouvrages distincts. Discipline en référence à une décision du Conseil d’Etat qui a donné tort à des opposants à la ligne à Très Haute Tension (THT) Cotentin Maine en considérant que le projet de construire cette ligne n’avait pas de lien avec le projet du futur réacteur EPR qu’elle doit desservir.

 

Nous sommes toujours attentifs et de plus en plus sidérés.

La question 3 des opposants porte sur la régularité des prévisions de travaux à Grand champ des fontaines. Il est suggéré aux juges d’écarter cette question car les documents sont réguliers.

La quatrième requête porte sur l’étude d’impact du programme viaire qui comporte 3.3 Ha de zones humides et des Km de haies, le tout situé dans deux zones naturelles d’intérêt floristique et faunistique et se base sur le rapport du collège d’experts scientifiques qui a invalidé les compensations.

Mme le rapporteur dit que le tribunal administratif a fait une erreur en 2015 en considérant que le programme Viaire n’était pas un problème car il comprend 3.3 Ha de zones humides et ce n’est pas négligeable.

Puis, elle  reprend des points essentiels du rapport d’experts scientifiques : état initial mauvais, oubli des reptiles, des libellules et lépidoptères, analyse mauvaise de la qualité de l’eau et de son débit. Ce rapport  invalide effectivement les compensations.

Elle considère l’étude d’impact suffisante pour les besoins et correcte car elle comporte un bilan énergétique. Si on prend en compte le rapport des scientifiques, on a un problème de droit.

Elle demande d’écarter cette requête.

La requête sur l’impact sur la santé est rejetée.

De même, la requête sur le principe de précaution car il y a peu de surface en jeu.

Rejet d’une requête sur l’enquête d’utilité publique qui a été prolongée, ce qui est favorable au public.

Etc

Françoise, à côté de moi, est très synthétique. Elle résume chaque requête par trois petits points puis note la conclusion : « … mais  …. mais …mais » C’est tout à fait cela !

Mme la rapporteur conclut donc par une recommandation de rejeter l’ensemble de ces requêtes et de condamner les requérants à verser de l’argent à Vinci. Par exemple Julien et Bernadette Durand devraient payer 1500 euros à Vinci. Ah quel bonheur !

Ainsi  se termine la deuxième heure d’audience. Elle est où la nouveauté ?

Bons soldats, nos avocats vont au feu : Erwan a du mal à comprendre le bicéphalisme du préfet. IL insiste sur le saucissonnage du projet et préfère la conviction à la discipline. Quelle idée !

Thomas souligne le fait que la Dreal  ne fait que préparer les dossiers et qu’il y a conflit d’intérêt pour le préfet. L’autorité environnementale n’a donc pas pu informer correctement le public. Il met en avant la notion d’unité fonctionnelle pour parler du programme viaire et met en avant l’inefficacité des compensations prévues.

Puis, l’avocat de l’Etat confirme bien qu’il y a séparation fonctionnelle entre le département de Loire atlantique et la région. Et surtout, il confirme qu’il faut respecter la jurisprudence du Conseil d’Etat.

L’avocat d’AGO n’a plus rien à dire après l’intervention de l’Etat, par discipline.

Ah, lui aussi ! Peut-être, tout serait-il plus simple, si nous avions nous aussi plus de discipline !
 
de Marcel, Paysan à Notre Dame

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