L’ACIPA nous
a réservé une place pour assister à l’audience de l’appel sur le dossier loi
sur l’eau en ce lundi 7 novembre. Nous avons su par téléphone, puis lu comme tout le monde que la
rapporteur allait demander l’annulation des arrêtés. C’est donc confiant, mais
curieux que j’aborde cet après-midi. Nous retrouvons beaucoup de complices à
l’entrée du tribunal d’appel et aussi beaucoup de journalistes. Ca filme et ça
mitraille et d’un coup ça double en intensité, c’est Yannick Jadot qui vient
d’arriver.
A
l’entrée : double filtrage : « vous êtes requérant ?
Ben ! Je ne sais pas… Je suis inscrit par l’ACIPA ! » Je montre
ma carte d’identité périmée et je peux entrer. Ambiance feutrée dans la salle,
fort petite comme toujours, avec des sièges qui viennent de chez IKEA, rayon
petit prix.
A 14h00
précises, l’audience commence. La rapporteur et les juges entrent. Oups !
Une seule femme et six hommes parmi les juges. Les deux plus jeunes ont au moins
cinquante ans et les autres ont largement dépassé l’âge de la retraite.
Seront-ils des hommes à oser bloquer une mécanique bien en route ?
Le président
nous explique que l’audience se déroule en trois temps : le litige sur la
DUP, le recours sur la loi sur l’eau et enfin les espèces protégées.
Mme la
rapporteur se présente en disant que ses recommandations sont indépendantes du
gouvernement (ça c’est pour François Fillon).
Puis elle
lit son rapport. Elle lit bien, ce n’est pas désagréable, mais statique.
Elle décrit
le projet d’aéroport, son historique, les différents volets et les étapes
juridiques.
Dans la
première requête déposée par les
opposants, il est dit que le préfet est juge et partie. En effet, le préfet de
Loire atlantique pilote le projet d’aéroport, mais attention, il est surveillé
de près par l’autorité environnementale. Or qui représente l’autorité
environnementale ? Le préfet de région, c’est-à-dire celui de Loire
Atlantique.
L’Union
Européenne demande la séparation entre les acteurs et l’administration.
L’argument des opposants est solide dit la rapporteur : « le
préfet est-il bicéphale ? ».
Même si les bureaux sont différents, la Dreal est un service de l’Etat
et AGO a un contrat avec l’Etat. Elle se réfère à un dossier irlandais ou la
situation est comparable à celle de Loire Atlantique avec des services
différents mais liés ; le dossier a été accepté par l’Europe.
De plus,
l’autorité environnementale ne se prononce pas sur l’opportunité
environnementale, mais sur la qualité du dossier. Enfin, la Dreal a ses moyens
propres et a bien fait son travail…
Mme la
rapporteur demande donc aux juges d’écarter ce recours comme l’ont fait la cour
de Marseille et celle de Versailles sur des cas similaires (décision du ….
Recours n° x).
Heureusement,
on est assis « Ah cette dame va nous donner raison ! Vraiment, mais
quand alors ? »
Requête
2 : les opposants critiquent le découpage du projet. Le programme viaire
(routier), de rétablissement de voirie est traité indépendamment du projet,
alors que le projet est global (on recalibre des routes à cause du projet).
L’ensemble est lié. L’autorité environnementale n’a donc pas pu informer
correctement le public au moment de l’enquête publique sur le programme viaire,
en particulier les effets globaux cumulés ne sont pas présentés. C’est un des
reproches de l’Union européenne : ne pas présenter le projet avec toutes
ses incidences.
Pour Mme, l’Union
ne s’est pas prononcée sur de tels sujets.
AGO dans ses
documents fait le lien entre le programme Viaire et le projet d’aéroport. Mais
il y a une DUP différente pour le programme viaire, il est donc différent du
projet.
Mme la
rapporteur, en synthèse pense que le programme viaire fait partie du projet
d’aéroport, mais, par discipline, plus que par conviction, elle demande aux
juges de ne pas retenir cette question et suite aux décisions du Conseil d’Etat
de considérer qu’il s’agit d’ouvrages distincts. Discipline en référence à une
décision du Conseil d’Etat qui a donné tort à des opposants à la ligne à Très
Haute Tension (THT) Cotentin Maine en considérant que le projet de construire
cette ligne n’avait pas de lien avec le projet du futur réacteur EPR qu’elle
doit desservir.
Nous sommes
toujours attentifs et de plus en plus sidérés.
La question
3 des opposants porte sur la régularité des prévisions de travaux à Grand champ
des fontaines. Il est suggéré aux juges d’écarter cette question car les
documents sont réguliers.
La quatrième
requête porte sur l’étude d’impact du programme viaire qui comporte 3.3 Ha de
zones humides et des Km de haies, le tout situé dans deux zones naturelles
d’intérêt floristique et faunistique et se base sur le rapport du collège
d’experts scientifiques qui a invalidé les compensations.
Mme le
rapporteur dit que le tribunal administratif a fait une erreur en 2015 en
considérant que le programme Viaire n’était pas un problème car il comprend 3.3
Ha de zones humides et ce n’est pas négligeable.
Puis,
elle reprend des points essentiels du
rapport d’experts scientifiques : état initial mauvais, oubli des
reptiles, des libellules et lépidoptères, analyse mauvaise de la qualité de
l’eau et de son débit. Ce rapport invalide effectivement les compensations.
Elle
considère l’étude d’impact suffisante pour les besoins et correcte car elle
comporte un bilan énergétique. Si on prend en compte le rapport des
scientifiques, on a un problème de droit.
Elle demande
d’écarter cette requête.
La requête
sur l’impact sur la santé est rejetée.
De même, la
requête sur le principe de précaution car il y a peu de surface en jeu.
Rejet d’une
requête sur l’enquête d’utilité publique qui a été prolongée, ce qui est
favorable au public.
Etc
Françoise, à
côté de moi, est très synthétique. Elle résume chaque requête par trois petits
points puis note la conclusion : « … mais …. mais …mais » C’est tout à fait
cela !
Mme la
rapporteur conclut donc par une recommandation de rejeter l’ensemble de ces
requêtes et de condamner les requérants à verser de l’argent à Vinci. Par
exemple Julien et Bernadette Durand devraient payer 1500 euros à Vinci. Ah quel
bonheur !
Ainsi se termine la deuxième heure d’audience. Elle
est où la nouveauté ?
Bons
soldats, nos avocats vont au feu : Erwan a du mal à comprendre le
bicéphalisme du préfet. IL insiste sur le saucissonnage du projet et préfère la
conviction à la discipline. Quelle idée !
Thomas
souligne le fait que la Dreal ne fait
que préparer les dossiers et qu’il y a conflit d’intérêt pour le préfet.
L’autorité environnementale n’a donc pas pu informer correctement le public. Il
met en avant la notion d’unité fonctionnelle pour parler du programme viaire et
met en avant l’inefficacité des compensations prévues.
Puis,
l’avocat de l’Etat confirme bien qu’il y a séparation fonctionnelle entre le
département de Loire atlantique et la région. Et surtout, il confirme qu’il
faut respecter la jurisprudence du Conseil d’Etat.
L’avocat
d’AGO n’a plus rien à dire après l’intervention de l’Etat, par discipline.
Ah, lui
aussi ! Peut-être, tout serait-il plus simple, si nous avions nous aussi
plus de discipline !
de Marcel, Paysan à Notre Dame
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