jeudi 31 décembre 2015

Quand abandonner le projet de Notre Dame des landes ?

Lors de l’audience du 10 décembre 2015 consacrée à l’expulsion des historiques, l’accord d’AGO-Vinci pour un report, puis pour un retrait du rôle mettait en évidence les pressions qu’avait reçues Vinci pour suspendre sa démarche.
Je n’ai bien sûr pas d’information sur la nature de ces pressions, mais il est évident qu’elles sont parties d’un niveau élevé de l’Etat. La suspension de cette démarche était nécessaire pour que l’accord PS-EELV soit crédible et que la gauche ait une chance de garder la région Pays de Loire.

Pour nous historiques, il nous paraissait alors plausible que Vinci ne réinscrive pas cette procédure au rôle. Un coup de chaud, un coup de froid, on maintient ce dossier de Notre Dame en attente.
La réalité est nettement plus violente, la veille du réveillon, nous recevons le courrier nous informant d’une réinscription au rôle pour le 13 janvier.

Ce courrier a été envoyé alors que la mobilisation du 16 janvier était connue.
Il y a donc volonté de Vinci, du premier ministre (et de l’Etat ?) de faire vite, d’éliminer les historiques, ou du moins, de les écarter du jeu. En effet, s’ils doivent partir dans 6 mois, ils seront obligés de se consacrer à ce départ et cette réorganisation, ils ne seront plus disponibles pour la lutte. Si le gouvernement veut faire vite, ce n’est pas pour chercher des ennuis, c’est bien pour en finir avec ce projet et démarrer les travaux ce Printemps 2016.

On rend amorphes les historiques avec des histoires d’argent : « tout ce qu’on leur donne en indemnités » (et on communiquera là-dessus) et les amendes qu’on leur colle pour les obliger à partir stressés et un peu honteux. Il ne reste plus ensuite qu’à virer les « ultra-violents », la campagne de dénigrement a déjà eu lieu. Sur le plan électoral, c’est très faisable, alors que cela aurait été risqué de sortir les historiques manu militari.
Cette analyse est, je crois, largement partagée. C’est pour cela que nous refusons que la Zad soit vidée de ses habitants quels qu’ils soient.

Des éléments pèsent contre l’idée d’une intervention :
Il faudrait des forces supérieures à celles de 2012. Or la police est déjà mobilisée au-delà de ses capacités pour l’Etat d’urgence, et il est quasi impossible de trouver des forces fraiches pour venir à Notre Dame.

Pour se représenter en 2017, François Hollande aurait besoin des forces écologistes, et il faut donc garder Notre Dame bien au calme pour en faire un dossier à négocier pour le ralliement des voix écologistes.
L’engagement renouvelé du Président à ce que les recours soient traités dans leur intégralité va dans le même sens et permettrait d’attendre sereinement 2017.

Par contre, à l’opposé :
Le créneau d’intervention pour la destruction et le déplacement d’espèces est étroit, c’est le printemps 2016, puisque 2017 sera un printemps de campagne électorale donc consensuel.
 
L’attente de chantiers pour sauvegarder l’emploi pour le BTP est bien réelle et créer des emplois, même si ce n’est que passager, sera payant sur le plan électoral.

Le développement du trafic passager à Nantes Atlantiques pourrait bien devenir négatif si l’on se réfère à ce qui se passe dans les aéroports régionaux en Grande Bretagne (source Breiz  info.com), comment alors justifier le transfert avec un trafic en baisse et un nombre de mouvement d’avions qui s’écroulerait ?

L’Etat, avec l’aide de la presse, parvient à taire le débat sur le fond du projet, et c’est vital car il est très démuni face à nos arguments. Mais cela pourra-t-il durer ?

Enfin, la réalité qui s’impose, par les procès pour expulsion c’est bien celle d’une tentative de travaux.

C’est pour cela que cette mobilisation déplacée du 16 au 9 janvier, c’est-à-dire avant le procès, est essentielle. Enthousiasme, sérénité et fermeté comme lors du convoi CAP sur la COP, l’ambiance et le déroulement ont été longuement discutés et font consensus.
Il faut bloquer le processus en cours et c’est l’importance de la mobilisation qui le fera.

La deuxième dimension essentielle, c’est la répartition géographique des initiatives. L’ETAT doit comprendre que ce n’est pas un abcès local à gérer, mais un vrai problème national en gestation.
Nous ne stressons pas trop au quotidien car nous avons confiance dans notre force collective.

Merci à tous ceux qui se mobiliseront, ils ne le feront pas seulement pour nous, mais pour sauver les terres de la Zad et tout ce qui s’y vit.
de Marcel, paysan à Notre Dame des Landes

mercredi 23 décembre 2015

Accaparement des terres agricoles


Intervention d’Hubert Cochet, Professeur d’agriculture comparée à Agro Paris Tech,  lors de la conférence de lancement du manifeste pour la sauvegarde des terres agricoles le 5 décembre 2015 à Paris.

L »accaparement des terres agricoles représente 40 millions d’Hectares et ce chiffre est un minimum. En effet, beaucoup de transactions ne figurent pas dans les statistiques.

Cet accaparement concerne, entre autres, les pays du sud et l’ex URSS.

Souvent la bourgeoisie urbaine prend le contrôle des terres du pays.

Avec la crise de 2007-2008, les investisseurs ont découvert que le foncier était un investissement intéressant.

2014 était l’année de l’agriculture familiale. Cela a été positif et s’est traduit par des discours de soutien. Cependant, le discours général est qu’il faut différents modèles, être pluraliste et qu’il faut de la place pour tout le monde. Au Brésil, par exemple, il y a deux ministères de l’agriculture : un pour les grosses exploitations et un pour les petites. Cela se développe en Amérique latine.

Il est faux de dire qu’il y a de la place pour tous ; les accès à la terre, à l’eau, et aux soutiens publics sont rares.

Un investisseur ne cherche pas une zone vierge ou il ne va gêner personne, il cherche des terres fertiles avec un accès à l’eau et des infrastructures routières, souvent assez proches d’une ville et de ports. Il s’agit donc de zones denses en population, et il faudra une éviction massive pour faire de la place aux investisseurs.

On leur propose parfois des terres moins peuplées, en zone de forêt contre les peuples autochtones ou bien sous climat aride, mais alors l’investisseur demandera un accès gratuit à la terre et à l’eau.

Qui est performant, les grandes entreprises ou les petits paysans ?

Sur le plan social et environnemental, on reconnait volontiers que les petits paysans sont plus performants, mais pas sur le plan économique.

Il faut comparer un rendement de 100 Qx en culture de maïs avec un rendement de 20 Qx  en culture associée avec de l’arachide, du manioc et des patates douces. Si on enlève les couts de tous les intrants, de l’eau etc, alors la valeur ajoutée de l’exploitation familiale est très supérieure à celle de la grande exploitation.

Les grandes exploitations mises en place par les investisseurs ne sont rentables que si l’accès aux ressources est gratuit. Par exemple , en Ukraine, les terres, c’est-à-dire, les meilleures terres de la planète sont louées 20€ par ha et l’eau est gratuite.

Comment les investisseurs obtiennent ils une rentabilité financière très élevée ? Ils utilisent peu de travailleurs et ceux-ci sont très mal rémunérés.

Le partage de la valeur ajoutée est de 5% pour le travail, 5% pour différents frais et 90% pour le capital.

Rapporté par Marcel, paysan à Notre dame

 

vendredi 11 décembre 2015

Retrait du rôle ordonné…


Nous arrivons en avance, il y a déjà du monde, nous ne serons pas seuls, le mouvement est là dans toute sa diversité. On a le temps de saluer un peu de monde, c’est chouette.

Rentrés dans la salle des pas perdus, on ne se sent toujours pas seuls, onze familles, rien que ça, pour passer devant le juge. ET là déjà, ça commence mal ! Deux personnes subissent une deuxième fouille, il faut enlever les ceintures, ils se sentent humiliés, l’un des deux est en larmes et d’un coup tout le monde est à cran.

Nous rentrons, salle quasi comble. Le juge nous explique que tant que le juge a un cerveau, tout espoir de justice n’est pas perdu, que tout le monde cherche une solution à cette situation. « On s’est beaucoup plus préoccupé des grenouilles que des êtres humains dans ce dossier. Le propre de l’être humain est d’être protégé par le droit. Il faudra une évolution des textes pour avoir à gérer des situations comme celle-là ». Il dit qu’il a reçu une demande de renvoi, mais n’est pas favorable au report.

Là, stupeur ! L’humour ou la philosophie, est-ce bien le moment ? On n’est pas certain de tout bien comprendre. Serions-nous des pauvres victimes malmenées par Vinci ? Est-ce cela que suggère le juge ? Nous nous sentons plutôt des êtres restés debout face à l’adversité, mais pas victimes et nous sommes venus attendre le châtiment. Le report nous semble une bonne chose et il le refuse…Où allons-nous ?

scène 1:
Le juge donne la parole à la défense pour qu’elle présente ses arguments. la défense demande le report . Cela se base sur différents arguments :- il s’agit de vies avec beaucoup d’inquiétude – des expulsions avant Noel, c’est un traitement inhumain – pour respecter le principe du contradictoire et de l’égalité d’armes, il faut avoir le temps de préparer la défense, ce qui n’est pas le cas – il est inopportun de mélanger justice et événements extérieurs (élections).
 AGO accepte la demande de renvoi, mais dans un délai restreint : début janvier à cause du calendrier prévisionnel car l’Etat doit démarrer les travaux début 2016. AGO a écouté les expropriés, les a indemnisés et les a laissé exprimer leurs doléances devant la juridiction française. AGO entend respecter les gens, la valeur des terres et des biens en cause. Il donne donc son accord pour la sérénité des débats.
Il faut vous dire que l’avocat d’AGO ne parle pas fort et que derrière nous, F n’arrête pas de chuchoter « il ment mais il ment ! Il n’en pense rien ! »
Il faut être concentré au tribunal pour tout suivre.

Le juge nous explique  que même si les avocats sont d’accord, lui seul décide et sans devoir motiver sa décision. Il refuse ce report et nous précise pour quelles raisons : - le temps pour s’organiser était suffisant, le débat juridique est circonscrit et prévisible – ce n’est pas pour démontrer qu’il est indépendant car tout le monde le sait – c’est plus dans un souci d’humanité vis-à-vis des justiciables  car cela fait des années que cela traine : "je suis saisi, je juge ! Je ne contribuerai pas à continuer à placer les gens dans l'incertitude".

Petit moment d’angoisse…

scène 2:
Les deux avocats de la défense ont la parole et dégainent très vite en demandant un retrait de rôle ordonné au nom de l'article 382 du code civil.
L'avocat d'AGO qui est toujours gentil, est d'accord pour un retrait du rôle, mais il dit qu'il demandera une réinscription au rôle début 2016.
Le juge qui ne peut refuser cela, prend acte.


scène 3 :
Un moment d’échange flou ou le juge évoque une QPC (question prioritaire de constitutionalité) qui se réfère au respect de la convention européenne des droits de l’homme. Me Lemoigne se lève, dossier à la main, puis se rassoit sans parler.

Là encore, on n’a pas tout compris.

Le juge conclue par ce qui doit être un trait d'humour: " avec la grâce de Noel, on peut espérer que tout le monde sera heureux avec un aéroport qui se construit, peut être n'y aura t'il pas de réinscription au rôle.

C’est fini.

sortie du tribunal...
Un avocat en retraite à nos côtés explique ce qu’est un retrait du rôle : la démarche est arrêtée, il faut la relancer si on veut poursuivre.
Cela semble plutôt une bonne nouvelle, en tout cas nos avocats sont très contents, ce qui est rassurant.
En synthèse: le boulet est passé à côté, mais le canon reste en place, sachant que l'artilleur fera la trêve des confiseurs !
Nous avons vraiment le sentiment d'avoir assisté à une pièce de théâtre. Dès sa première parole, le juge savait évidemment ce qui allait se passer.

Merci à tous ceux qui se sont mobilisés; leur présence était essentielle.
 
 Sylvie et Marcel

  

samedi 5 décembre 2015

Nous découvrons le vrai visage de Vinci…


Ironie de l’histoire, c’est en pleine négociation de la COP21 que tous les occupants historiques de la ZAD se retrouvent assignés en référé expulsion le 10 décembre 2015 à Nantes. AGO-Vinci demande l’expulsion sans délai des occupants historiques, protégés par l’accord politique de la grève de la faim de 2012.

Au Liminbout, en ce matin  ensoleillé du 5 décembre, l’huissier nous a remis notre assignation en référé soit 15 pages de documents auxquels se rajoutent la copie de notre jugement d’expropriation et quelques pièces annexes, et ce multiplié par le nombre de dossiers (un pour la maison, un pour les terres, un pour la ferme…).

La lecture de ces documents nous informe que AGO-Vinci demande l’expulsion immédiate et sans délai comme le prévoit :

-le droit relatif au code de l’expropriation (pas de délai légal de 2 mois, pas de sursis à l’exécution, pas de trêve hivernal, pas de délai de grâce…). « Et pour cause, le Conseil Constitutionnel a reconnu l’utilité publique du projet d’aéroport de Notre Dame des Landes, projet destiné à pallier à la saturation de l’aéroport de Nantes-Atlantique et à éviter le survol de la ville de Nantes, projet qui ne peut être ralenti » ;

-le principe d’équité : « les expropriés ont obtenu une somme tout à fait satisfaisante ». En effet, le juge d’expropriation a condamné AGO-Vinci à indemniser plus que son offre initiale. Cela veut donc dire que « le juge d’expropriation a prévu toutes les conditions nécessaires et utiles au rétablissement rapide de Mme Sylvie THEBAULT de manière à ce qu’elle ne ralentisse pas la prise de possession de l’expropriant. » (un chèque et je suis rétablie ! Dois-je dire « merci Vinci »?).

« AGO-Vinci a donc l’honneur de demander à la juridiction de l’expropriation :

-d’ordonner l’expulsion immédiate et sans délai, et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard; (cette somme est à multiplier par le nombre de dossiers, quatre en ce qui nous concerne)

-d’autoriser AGO à faire procéder à cette expulsion au besoin avec le concours de la force publique et d’un serrurier » (il y a Etat d’urgence !!!) ;

-« d’ordonner l’enlèvement et la séquestration de tous les meubles, animaux, matériels entreposés sur les parcelles aux frais , risques et périls des occupants ».

Quand on vous dit Vinci… Leur pub devrait être complétée. En effet, leurs constructions ne sont pas que de béton et d’acier. Elles peuvent être de sang, de larmes, de destruction de zones humides et d’espèces protégées, de saccage de l’environnement…

Mais de quoi se plaint-on ? Vinci prend soin de nos vies.

 Joyeux Noël avec Vinci !

samedi 12 septembre 2015

Visite des gendarmes… puis visite aux gendarmes !


Vendredi  4 septembre, à 8h30 du matin, je partais en tracteur alimenter mes vaches taries au pré. Juste à la maison de Claude  et Christiane, je croise une voiture grise avec 3 personnes à bord. Je m’arrête en serrant au plus près (le passage est étroit !), fait signe à la voiture de passer. Les occupants de la voiture me regardent (je me dis que leur têtes ne me sont pas inconnues), et la voie étant dégagée, je repars. Mais arrivée dans le 2ième virage (700 mètres plus loin), je revois la même voiture dans mon sillage. Je m’arrête, la voiture également et les gens sortent. Là, je reconnais : il s’agit de gendarmes de Blain en civil. Ils ont un papier à me remettre : une convocation en vue d’une audition libre pour le mardi 8 septembre à 9h30 à Blain. Motif : je suis « soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre l’infraction de dégradation ou détérioration du bien d’autrui commis en réunion le 27/10/2014 entre 15 heures et 17 heures à DRUCAT (80) route du plessis. »

Ma première réaction est de rire en disant « c’est quoi ces conneries ?» ; ma deuxième en regardant la date est de m’exclamer «Ouah, quelle réactivité ! ».

J’apprends plus tard que 2 autres personnes sont convoquées le même jour parce que leur numéro de portable est sur un tract d’appel à manifestation pour se rendre en tracteur à Amiens au procès de camarades de la Confédération Paysanne le 28 octobre 2014.

Mardi 8 septembre, je me rends donc à la gendarmerie pour répondre aux questions. Beaucoup de temps consacré à l’état civil, celui de mes parents…  Je lui demande la peine encourue pour l’infraction : « 5 ans de prison et 75.000 euros d’amende » (il s’agit bien sûr de la peine maximale ; cela impressionne davantage!).

Et puis les questions sur ma présence à Drucat… Je réponds que je n’y étais pas. J’ai 30 témoins qui peuvent en attester. Regard intéressé du gendarme (peut-être content d’écourter l’interrogatoire ; il a sûrement d’autres choses plus importantes à faire ; du moins je l’espère !). « Qui ?, me demande-t-il. Je réponds qu’il s’agit de mes vaches. « Qui d’autre, en dehors de vos vaches ? » insiste-t-il ; je ne vois pas quoi lui dire. Retrouver précisément son emploi du temps 9 mois plus tôt est un peu difficile. Une seule certitude : j’ai trait mes vaches le matin et le soir du 27 octobre, le 28 octobre également. Je précise que malgré toutes mes qualités, je n’ai pas le don d’ubiquité.

On me présente la photo qui m’incrimine : je vois juste une personne aux cheveux courts de sexe indéterminée. Je précise que je ne me reconnais pas sur cette photo. Question sur mes connaissances (les 2  autres copains convoqués, un autre interrogé 15 jours plus tôt). Je réponds que je les connais. Question sur ma coupe de cheveux (« est-elle toujours la même ?). J’ai franchement envie de rire… On me demande mon numéro de portable. Je refuse de le donner. « Pourquoi ? », s’étonne-t-il ? Je lui dis que « c’est privé »  et lui demande s’il veut bien me donner le sien. « Pourquoi n’étiez-vous pas à Drucat ? » me demande-t-on. Parce que je travaillais, je réponds. « Votre portable pouvait-il être dans la Somme dans ces moments-là ? ». Je réponds que c’est possible, Marcel étant allé le 28 octobre en car à Amiens, avec ou sans  portable, je n’en sais rien…

J’ai envie de dire que l’atmosphère devient vite pesante dans une gendarmerie, confinée à 3 dans un tout petit bureau. Je trouve la situation grotesque.


Pour finir, j’ai droit à une séance de prises d’empreintes et de photos. Je demande si je suis obligée. On me laisse entendre qu’on a les moyens de m’obliger à les donner. Pressée d’en finir, je m’exécute en disant « la prochaine fois, je mettrai des gants !».  Après ce moment d’intimité, je me permets de demander au gendarme si ,dans  l’exercice de sa fonction au quotidien, il retrouve toujours  les raisons qui l’avaient amené  à choisir ce métier. Il me répond qu’ « il a toujours voulu être gendarme mais que avec Notre Dame des Landes,… ». Je garde le reste de sa réponse pour moi ; je ne veux pas lui attirer des ennuis de la part de sa hiérarchie.
Et puis, c’est la sortie … face à un gros rassemblement de soutien (MERCI A TOUS !). Je suis la dernière, les 2 autres copains convoqués après moi sont déjà ressortis.
Heureusement, les journalistes ne me demandent pas à quoi servent les gendarmes. J’aurais été capable de dire : « à em..... les braves gens bien sûr ! ». Une chose est sûre : je serai moins intimidée la prochaine fois !

Dois-je être fière d’être aussi célèbre auprès des gendarmes pour qu’en voyant une très vague photo, ils pensent aussitôt à moi ? Je le vis comme une tentative d’intimidation (« on vous a à l’œil ; gare à vous! ») mais cela a aussi pour conséquence d’exacerber  mon sentiment de désolation sur le pouvoir en place, la justice et le rôle de la gendarmerie… Et je ne dois pas être la seule citoyenne dans ce cas…

J’ai envie de conclure en disant qu’en France, la libre pensée est autorisée tant qu’on ne conteste pas les normes et les décisions des politiques.

 Sylvie, paysanne "célèbre" de Notre Dame des Landes
 

jeudi 13 août 2015

En souvenir de Michel (3)


au nom du groupe de la grève de la faim (grévistes et groupe de soutien)

Depuis longtemps, Michel pensait qu’une grève de la faim était une des modalités d’action, mais qu’il fallait l’utiliser au moment le plus efficace.
C’est donc tout naturellement, qu’il a participé au groupe qui a réfléchi à l’organisation de cette action et qu’il s’est proposé comme gréviste.

Dans les années 70, Michel avait soutenu les paysans en difficulté et en particulier, Jean Cadiot de Pannecé, lors de sa grève de la faim. Cette action, qui  mettait en avant un cas particulier de paysan étranglé par les banques, avait débouché sur une solution puis plus largement avait généré  la création de SOS  Paysans en difficulté.

Michel savait tout sur la préparation d’une grève de la faim.
Il l’a tellement bien préparée qu’il nous a donné l’impression que sur le plan physique, c’était une promenade d’agrément pour lui. Chacun se souvient de ces infâmes eaux chaudes qu’il buvait avec un grand sourire de satisfaction.

Nous ressentons tous une impression de sérénité en  repensant à cette action.
Et pourtant, que le sommeil était long à venir, que les voitures et les ambulances étaient bruyantes.
Mais, la confiance, la détermination et la sérénité de Michel étaient contagieuses.
Que d’attention aux autres, Il s’inquiétait plus pour la fatigue des accompagnateurs que pour sa propre santé.

Chacun se souvient de ses paroles sur la non-violence à opposer aux violences de l’Etat et des pouvoirs soutenant les inégalités les plus indécentes.
Il se présentait comme un passeur de terre : la terre n’est pas à vendre, encore moins à bétonner, elle nous est confiée par nos ancêtres pour que nous la transmettions en bon état à nos enfants…

Nous savons qu’il était très heureux de tous les soutiens et engagements générés par cette grève de la faim, et cela nous fait chaud au cœur.
S’engager avec force pour un monde qui ne détruise pas les terres nourricières, qui ne mette pas l'argent et les lobbies  au centre de tout, est un beau combat.

Lors de la manifestation du 3 mai pendant la grève de la faim
Ce bout de chemin avec Michel est une des belles pages de notre vie et nous sommes très heureux de l’avoir menée ensemble, grévistes et accompagnateurs.
Michel savait dès le début qu’il faudrait tenir longtemps pour arracher  quelque chose aux décideurs. Mais 28 jours, nous n’avions pas imaginé cela.
L’accord qui a été obtenu étant toujours valide, nous veillerons à ce qu’il soit appliqué, à ce que la parole donnée soit tenue, notre vigilance sera constante.
Sans Jeanne, sans sa famille, Michel n’aurait pas pu être ce qu’il était, nous sommes de tout cœur avec vous.

lundi 10 août 2015

En souvenir de Michel (2)


Au nom des paysans de l’ADECA nous voulons dire tout notre soutien à la famille de Michel

Michel avait plusieurs longueurs d’avance sur nous.

Par sa connaissance très technique des éléments du projet d’aéroport. Il avait réponse à toutes les questions et savait combien ce dossier serait difficile sur le plan technique et couteux à mettre en œuvre.

Par sa longue expérience de communication, plus de 200 réunions, et par les nombreux soutiens stratégiques qu’il avait su générer. La compréhension a été immédiate avec les pilotes de ligne par exemple, mais aussi avec d’autres personnes restées plus discrètes, mais actives à nos côtés car Michel les avait convaincues  du bienfondé de notre opposition au projet.

Enfin, par sa vie de militant consacrée à se battre pour une société plus juste,plus cohérente sur le plan social et plus respectueuse de l’environnement, Michel savait combien notre combat est juste et porteur de sens.

Tout cela explique son optimisme et sa détermination que rien n’altérait.

Nous pensons bien sûr à la grève de la faim où Michel a été un grand sage, un guide pour tout ce mouvement pendant 28 jours. Il était magnifique, heureux de tous les soutiens et actions sur cette période. Il a beaucoup évoqué cette terre nourricière, héritée de nos parents et que nous avons charge de transmettre en bon état aux générations futures. C’est l’accord obtenu le 8 mai qui a donné assez de sécurité aux habitants et  paysans pour rester, habiter et cultiver sur la Zad.

La vie a imposé à Michel de mettre toute son énergie à se battre contre la maladie et il était très frustré de ne pouvoir être régulièrement à nos côtés, mais nous savons aussi combien il était heureux les rares fois où il a pu participer à nos rassemblements.
Bellevue 2014
Chacun apporte sa pierre dans notre combat, celle de Michel est grande et magnifique.

C’est un ami, un militant et un grand sage que nous perdons, mais sa pensée nous accompagnera toujours dans notre marche pour la victoire.

vendredi 7 août 2015

En souvenir de Michel TARIN (1)...


Parler de Michel et de Jeanne,
-         C’est parler d’un compagnonnage de 45 ans et évoquer Gérard H., Bernard L., Henriette et Armand M., Nicole P. , Alain B., et bien d’autres….
-         C’est parler d’amitiés
-         C’est parler de la fidélité à nos idéaux…

Cela commence en 1966-67 pour notre génération née sitôt la guerre, généreuse comme toute jeunesse.
Les journées de formation communes au MRJC et au CDJA, organisées avec la MFR La Rivière à Plessé puis dans d’autres MFR du département, sont le creuset de notre réflexion citoyenne, syndicale, politique. Déjà Michel nous alertait sur un projet d’aéroport à Notre Dame des Landes.

Mai 68 avec le rapprochement entre paysans, ouvriers et étudiants nous sort de notre corporatisme.
Dans les luttes foncières (Vigne Marou, Cheix en Retz, Mésanger…) et économiques (Sica de Challans, guerre du lait, CLEI...) se constitue un réseau qui agit et défend notre condition de travailleurs de la terre, solidaires et actifs dans d’autres luttes (Larzac, Plogoff, Le Pellerin)

Les ravages du capitalisme  nous révoltent, SOS Paysans se crée.
Plus récemment, la relance du projet d’aéroport à NDDL réactive .les mobilisations.

Avec Michel et Jeanne, c’est une véritable tranche de l’histoire paysanne du département que nous vivons.

Une telle histoire ne s’écrit pas sans connivences, sans complicités, sans amitiés. Et que les fêtes et la solidarité lors des coups durs ont été belles !
Au terme de notre compagnonnage, constatons que nos idéaux de jeunesse, de justice et de solidarité sont toujours d’actualité.

mai 2012

Et que dire de plus que ces couplets de Jean Ferrat :

Tu aurais pu vivre encore un peu

Pour notre bonheur, pour notre lumière

Avec ton sourire, avec tes yeux clairs

Ton esprit ouvert, ton air généreux


Tu aurais pu vivre encore un peu
Mon fidèle ami, mon copain, mon frère
Au lieu de partir tout seul en croisière
Et de nous laisser comme chiens galeux.
                                                     Le collectif Paysan 44

mercredi 27 mai 2015

Semis collectif sous le soleil !


Qui l’eut cru ? Alors que la météo annonçait au début une fin de semaine et un week end pluvieux, c’est finalement sous le soleil que les travaux ont pu se dérouler. Nous avons seulement pu effectuer le semis à la main sur une parcelle travaillée depuis plusieurs jours (pour le plus grand plaisir des participants !); les autres parcelles labourées la veille  ou en cours de labour étant encore trop humides pour pouvoir être semées ce samedi 23 mai. Les gens présents ont également entretenu les haies plantées tous ensemble à l’automne 2013 et en février 2015. Une belle énergie collective déployée pour faire vivre ensemble cette terre préservée .
 
Et pendant ce temps au Liminbout, une équipe de tondeurs était à l’œuvre avec ses « forces » sur notre troupeau de moutons d’Ouessant. Plusieurs heures leur ont été nécessaires pour venir à bout de notre trentaine de moutons. La laine servira à l’isolation, à la confection de feutrine.

 
 
C’est ainsi que tranquillement, sereinement et avec le sourire se posent les bases d’un avenir sans béton.
De Marcel et Sylvie, paysans à Notre Dame des Landes

vendredi 15 mai 2015

Fête au Liminbout, intervention devant la presse


Le tribunal de Saint Nazaire vient de condamner Christiane et Claude Herbin à l’expulsion dans 18 mois, avec un loyer pendant cette période et un paiement des arriérés de loyer sur 23 mois.
Il faut avoir en tête la plaidoirie d’AGO Vinci pour comprendre la décision du juge, je reprends les éléments : - Claude et Christiane sont sans droit ni titre   - AGO a une mission : construire cet aéroport – la maison en bien trop mauvais état pour donner un  titre d’occupation – le refus de départ de cette famille  n’est pas acceptable dans le cadre du projet et de la DUP - la DUP tient toujours - les recours vont s’éteindre et ouvrir le chantier – AGO a besoin de libérer le terrain pour le chantier.
Si l’on compte bien, 18 mois après notification de la décision, cela nous emmène pratiquement à la campagne présidentielle de 2017.

Claude devant la presse
 
Le tribunal de St Nazaire n’a pas suivi AGO. Soit il est fatigué par ce dossier d’aéroport, ou il faut sans cesse condamner des  gens pour des broutilles, soit il a appliqué le bon sens et dit ouvertement ce que tout le monde pense :ce dossier ne bougera pas pendant la mandature actuelle .
Rendez-vous donc en  2017
Pour l’ensemble de l’opposition, cela signifie qu’il faut veiller à ce qu’il n’y ait pas de début de travaux comme promis par les accords électoraux, donc pas d’études biologiques que nous assimilons à des débuts de travaux. Il faut poursuivre le démontage du projet dans tous ses détails techniques comme le font les ateliers citoyens.

Il nous faut construire un avenir sans béton.

La Zad est un lieu de frottement entre gens très diffèrent, un lieu bouillonnant et riche de promesses, un lieu où il y a des difficultés comme ailleurs et que l’on doit résoudre .
Les actes que l’on pose en période de faible pression policière donneront à chacun de ceux qui vivent ici l’image de ce que peut être un avenir commun.

Pour nous, paysans, nous rappelons le parallèle très fort entre notre situation et celle de Christiane et Claude.
Notre sort est le même : occupants légaux avant la DUP, refusant ce projet, nous opposant là où nous sommes dans nos maisons et nos fermes, avec l’autorisation préfectorale de destruction de notre maison affichée en mairie.
Mais aussi, nous préparons l’avenir en entretenant, en remettant en état nos terres et nos maisons.
Nous gérons nos maisons et nos fermes en ignorant ce projet qui ne fait que passer.
Si nous manquons de temps ou d’énergie pour faire tout cela, alors, Il y a tous ces soutiens autour de nous, tant en termes de soutien matériel, de travail et de soutien moral.
C’est pour cela qu’ensemble nous gagnerons.

de Marcel, paysan au Liminbout

mercredi 11 mars 2015

Mises dehors… Enfin !


Quelques jours de beau au moment des plantations nous avaient permis de commencer à sortir les vaches. Elles ont apprécié mais cela n’a pas duré. La pluie est revenue et a altéré la portance des prairies. Du coup, plus de sorties car nous ne voulions pas abimer les prairies. Nous en avons profiter pour avoir des chantiers collectifs avec Bellevue (coupe de châtaigniers, ramassage des piquets puis appointage). 
 
Et puis, une longue période de beau temps est arrivée et la mise à l’herbe a débuté : dehors enfin ! Je retrouve le plaisir d’enfourcher mon VTT pour emmener  les vaches.  Le travail se diversifie (clôture, tour de parcelles…) ; la routine d’hiver s’allège un peu (distribution ensilage, paillage…) avec la sortie des laitières.

 
Je crois avoir vu ma première hirondelle ce soir en rentrant à la maison. Cela sent le printemps !




mercredi 18 février 2015

Plantations...


L’idée avait été émise en réunion Séme ta Zad : il faudrait replanter ou semer des arbres dans les haies reconstituées en octobre 2013, c’est bon de reconstituer du bocage et cela nous inscrit dans une longue durée.
Elle a été partagée  lors de la première réunion d’écriture d’un texte commun au mouvement en réaction aux déclarations de Valls en visite dans l’ouest.
Un communiqué de presse n’est pas très attirant pour des journalistes si le sujet n’est pas brulant d’actualité.
Par contre, s’il y a des activités, du monde…et comme presque tout ce qui se fait sur la Zad est illégal…cela peut être sexy pour des journalistes.
Ainsi, se sont combinés conférence de presse et plantations de haies le 10 février.
Vers 11h00, nous retrouvons beaucoup de visages connus, occupants, membres de comités de soutien, de l’Acipa, de Copain. Nous sommes une soixantaine à planter dans le vent et le froid.

 
Beaucoup sont venus avec un paquet de plants : chêne, frêne...
Le boulot sera fait dans la matinée. Un couple a amené des protections pour les plants et propose une technique précise : 3 bâtons de bambou insérés dans les mailles du grillage en plastique pour protéger chaque plant. Ça discute un peu technique, protection, pas protection, mais bon, tout sera fait dans les règles de l’art.

A la vacherie, en préalable à la conférence de presse, nous avons le plaisir de faire une photo avec Alphonse Fresneau, notre patriarche, sous la banderole « je suis né ici, je reste ici » et même ceux qui ne sont pas nés ici, restent ici. Nous faisons cette photo pour mettre en avant notre solidarité avec Claude qui avec toute sa famille est convoqué au tribunal à nouveau le 25 mars, toujours pour expulsion. Quand AGO prend soin de vous, il ne vous lâche plus !
 
                                      de Marcel, paysan à Notre Dame des Landes

jeudi 1 janvier 2015

« V » comme …



Fin décembre avait lieu une démonstration  de taille d’entretien de haies chez un voisin agriculteur. Depuis lors s’affiche dans le paysage de Notre Dame des Landes un beau « V ».  Certains y verront peut-être un signe annonciateur de victoire. D’autres, comme nous, en profitent juste pour vous présenter nos meilleurs vœux .
 

 
 
La nature s’était faite belle en cette fin d’année. Le givre drapait les arbres d’une dentelle étincelante à la lumière du soleil. Travailler dehors, dans ce cadre, était enchanteur… Instants magiques que nous avons su apprécier à leur juste valeur !